On n’allait pas laisser filer 2015 sans saluer la mémoire de la Peugeot 204. Cette voiture née il y a tout juste un demi-siècle n’a jamais cherché à se mettre en avant. Résultat : on aurait tendance à oublier les mérites de cette avenante mais modeste franc-comtoise qui cachait bien son jeu. Avec ce modèle, la firme de Sochaux a franchi un cap. La 204 est la voiture qui a fait basculer l’austère marque au lion dans la modernité.
Au milieu des années 1960, Peugeot est synonyme de grandes voitures bourgeoises. La 404, apparue au tout début de la décennie, se vend fort bien mais le marché automobile se développe surtout par le bas et la firme ne dispose pas de proposition dans cette catégorie. Grâce à la 204, dévoilée en 1965, le constructeur fait sa révolution. Cette voiture renverse trois tabous typiquement Peugeot. En premier lieu, elle présente des mensurations sensiblement plus réduites que ses aînées. Longue de 3,97 mètres, la 204 est, respectivement, 44 et 38 centimètres plus courte que la 404 et la 203. Ce gabarit lui permet de s’intercaler entre les grandes voitures et les petites, occupant ainsi une position intermédiaire où les concurrentes se faisaient rares.
Ensuite, la 204 adopte des solutions techniques qui, si elles ne sont pas inédites, n’étaient jusqu’alors pas la tasse de thé de la marque. Pour la première fois, une Peugeot se convertit à la traction aux roues avant, choix auquel Citroën s’est rallié depuis des lustres avec la bien nommée Traction et que Renault a adopté quelques années auparavant avec la 4L. Un gage de moindre poids et d’une tenue de route moins aléatoire. En outre, le moteur (un quatre-cylindres en alliage de 1,1 litre développant 53 puis 58 chevaux, norme SAE) est installé en position transversale, une solution inaugurée en grande série par l’Austin Mini de 1959 et qui offre un gain d’espace très appréciable. A l’intérieur, le volume dont disposent les cinq occupants est généreux, de même que celui du coffre.
Des formes simples, douces et harmonieuses
Le dernier verrou que fait sauter la 204 est celui du style. La maison sochalienne ne renverse pas la table – pas question d’opter pour le hayon arrière, comme la Renault 16 apparue la même année, ou de rompre avec le levier de vitesse au volant – mais elle bouscule quelques-unes de ses habitudes. Sous la houlette du patron du design, Paul Bouvot, la petite Peugeot adopte des formes simples, douces et harmonieuses avec une large surface vitrée. Une mince baguette latérale souligne habilement son profil. Les lignes sont équilibrées sans être conservatrices ni insipides, suggérant une élégance discrète qui sera la marque de toutes les Peugeot réussies. Se distingue en particulier la large calandre grillagée dotée de phares élargis qui donne à la 204 un minois très avenant.
Une merveille de cabriolet
Dans les années 1970, certains vont peindre en noir les barrettes de cette vaste prise d’air pour revigorer la proue de leur voiture, avant que la marque elle-même ne leur donne raison en greffant en 1975 sur les ultimes versions une calandre de plastique noir agrémentée d’un lion doré. Cette attention portée à l’esthétique ne se démentira pas lorsqu’il s’agira de commercialiser un break – à l’époque, ces variantes pratiquement considérées comme des utilitaires ne soignaient pourtant guère leur look. Et que dire des charmantes versions coupé et cabriolet, à travers lesquelles on sent la patte Pininfarina, qui feront tourner tant de têtes.
Pesant moins de 900 kilos, très correctement motorisée et bien suspendue, la 204 est une voiture agréable à conduire. Bien posée sur la route, elle donne la sensation d’être plus imposante qu’elle ne l’est et son espace intérieur bien structuré lui permet de jouer les familiales. Dans les années 1970, elle figurera longtemps au sein du tiercé des meilleures ventes sur le marché français.
Chez Peugeot, il y a aura un avant et un après 204. Ce modèle a converti le constructeur au gimmick de la grande calandre horizontale (que l’on retrouve sur la 504 et dont il usera et abusera dans les années 1990 et 2000) et lui a fait découvrir l’opportunité de concevoir des modèles intermédiaires, à cheval sur deux catégories. Un positionnement que confirmera la 304, qui prolongera la formule inaugurée en 1965, et que saura parfaitement exploiter la 205 au début des années 1980.
La 204 vue par les Italiens
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