Pelade : comment expliquer et traiter cette chute de cheveux ?

Publié le par Sylvie DellusExpert : Dr Philippe Assouly, dermatologue au centre Sabouraud de l’hôpital Saint-Louis (Paris)

La maladie, une forme d’alopécie en plaques, a été propulsée sur le devant de la scène lors de la cérémonie des oscars 2022, lorsque l’acteur Will Smith a giflé un humoriste qui ironisait sur le crâne dégarni de sa femme, Jada Pinkett Smith. Au-delà de la sphère people, la pelade est une maladie impressionnante, mais qui peut s’améliorer spontanément. Un traitement va accélérer la repousse des cheveux.

La pelade, une alopécie très fréquente

Dans la pelade, les cheveux tombent par plaques de manière plus ou moins étendue. Ce type d’alopécie est particulièrement imprévisible. 

Les symptômes de la pelade

La maladie évolue par poussées et peut disparaître puis réapparaître au cours de la vie. Elle touche principalement la chevelure, mais elle peut aussi atteindre les sourcils et l’ensemble de la pilosité du corps. Chez certaines personnes, les ongles sont également abîmés. Ils prennent alors un aspect strié ou ponctué, un peu comme un dé à coudre.

« La pelade touche principalement les personnes jeunes. Deux tiers des patients ont moins de 30 ans au premier épisode. C’est une maladie très fréquente. On estime que plus de 2 % de la population française connaît, a connu ou connaîtra un épisode de pelade au cours de sa vie », explique le Dr Philippe Assouly, dermatologue au centre Sabouraud de l’hôpital Saint-Louis (Paris).

Quelles sont les causes de la pelade ?

Le problème vient d’un dysfonctionnement du système immunitaire, on parle de maladie auto-immune. « Des globules blancs attaquent les follicules pileux (la base du cheveu) et les bloquent, ce qui explique que les cheveux tombent. Pour autant, les follicules pileux ne sont pas détruits. Ils arrêtent simplement de pousser. C’est comme s’ils étaient sidérés », constate le Dr Assouly. 

Les cheveux de couleur sombre sont plus sensibles à ce phénomène. « Dans la pelade, les globules blancs attaquent non seulement les kératinocytes (les cellules constituant le cheveu, NDLR), mais aussi les mélanocytes (les cellules pigmentaires, NDLR). Certaines personnes peuvent avoir l’impression d’avoir blanchi d’un seul coup. En réalité, leurs cheveux sombres sont tombés laissant la place aux cheveux blancs. C’est ce qu’on appelle le syndrome de Marie-Antoinette », poursuit le dermatologue. 

Les personnes atteintes de pelade ont des prédispositions génétiques. Dans leur famille, on peut trouver d’autres cas de pelade, ou d’autres maladies auto-immunes comme la thyroïdite d’Hashimoto, le psoriasis, le lupus, le vitiligo, la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn...

Comment expliquer un épisode de pelade ?

« Le plus souvent, il n’y a pas de cause connue à un épisode de pelade », souligne le Dr Assouly. Les patients font souvent le lien avec le stress ou une infection virale. Mais ces hypothèses ne sont pas formellement étayées par des études scientifiques. 

Pelade ou teigne : quelle différence ?

La pelade appartient à la grande famille des alopécies, dont fait partie également la teigne. Mais il existe des différences notables entre les deux maladies.

La teigne est une pathologie d’origine infectieuse due à des champignons. Ces dermatophytes détruisent la tige pilaire, ce qui explique la perte de cheveux. Des squames comme de grosses pellicules apparaissent sur le cuir chevelu. La maladie est très contagieuse. 

La pelade a une origine complètement différente, puisqu’elle est auto-immune. Le cuir chevelu garde un aspect parfaitement normal malgré la perte de cheveux : on parle d’alopécie non cicatricielle. La maladie n’est pas du tout contagieuse. 

Comment se fait le diagnostic chez le dermatologue ?

En général, l’examen clinique des plaques suffit au dermatologue à poser un diagnostic de pelade. En cas de doute, par exemple pour différencier la maladie d’une teigne ou d’une trichotillomanie, le médecin peut s’aider d’un dermatoscope, une loupe grossissante qui permet d’examiner en profondeur le cuir chevelu. « Il est rarement nécessaire d’effectuer une biopsie », précise le Dr Assouly. Dans un contexte familial de maladies auto-immunes, un bilan sanguin est parfois prescrit pour éliminer un problème associé, en cas de suspicion.

Les formes de pelade

Dans la majorité des cas, la pelade se manifeste de manière diffuse, avec des plaques plus ou moins étendues apparaissant de manière anarchique sur le crâne. Une petite plaque peut passer complètement inaperçue. 

Il arrive aussi que la pelade démarre sur l’occiput, à l’arrière de la tête, et remonte au-dessus des oreilles. On parle alors de pelade ophiasique.

Environ 5 % des cas correspondent à une pelade décalvante (tous les cheveux sont tombés) ou une pelade universelle (tous les poils sont tombés). 

Est-ce grave une pelade ?

Cette maladie, qui peut être impressionnante, ne présente aucune gravité. En revanche, elle suscite beaucoup d’angoisse chez les patients et leurs proches. « Le rapport à l’image est très variable d’une personne à l’autre, observe le dermatologue. On peut être heureux avec une pelade universelle ou malheureux avec une petite plaque. Il est très important que le dermatologue rassure le patient. »

Est-ce qu’une pelade repousse ?

Dans la pelade, le follicule pileux n’est pas détruit, mais simplement bloqué par le système immunitaire.

« Dans l’extrême majorité des cas, les cheveux vont repousser. Beaucoup de pelades repoussent spontanément », assure le Dr Assouly.

Les cheveux du dessus du crâne repoussent, en général, plus vite qu’au niveau de l’occiput. « Le délai de repousse varie d’une personne à l’autre. En général les cheveux repoussent tels qu’ils étaient auparavant. Il peut arriver qu’ils soient plus clairs ou bouclés, mais de manière temporaire », ajoute-t-il.

D’une manière générale, plus la pelade apparaît tôt dans la vie, plus elle est étendue, et plus le risque de rechute est important.

Comment soigner une pelade ?

La pelade guérit spontanément dans de nombreux cas (plus particulièrement lorsqu’elle se présente sous forme de plaques), même s’il faut faire preuve de patience. Pour accélérer le processus, différents traitements peuvent être envisagés, voire combinés entre eux en fonction de l’étendue des lésions. Les traitements médicamenteux de la pelade demandent des adaptations, des ajustements. « Le dermatologue doit faire preuve d’une certaine agilité et tenir compte des demandes de son patient », souligne le Dr Assouly. 

Même s’ils donnent de bons résultats, aucun des traitements disponibles n’est miraculeux. Il est important de comprendre qu’à l’arrêt du médicament, la pelade peut se manifester à nouveau.  

Le traitement de la pelade

Quel que soit le produit utilisé, l’idée est de bloquer l’inflammation afin de permettre au follicule pileux de sortir de sa torpeur. La cortisone, un puissant anti-inflammatoire, est très souvent utilisée, sous différentes formes, pour favoriser la repousse des cheveux : 

  • La cortisone en lotion : c’est la première solution proposée aussi bien chez les adultes que les enfants. La lotion est appliquée sur les zones atteintes : cuir chevelu ou sourcils. 
     
  • La cortisone en injection : elle est injectée directement dans la peau, chez l’adulte. La repousse intervient en quelques semaines. 
     
  • La corticothérapie par voie générale : pour bloquer un épisode de pelade sévère et amorcer la repousse, la cortisone peut être administrée sous forme de comprimés, pendant quelques jours, parfois plus longtemps.
     
  • La photothérapie : ce traitement, réservé aux adultes, fait appel aux rayons ultraviolets pour stimuler les follicules pileux. Installé dans une cabine spéciale, le patient doit ingérer un médicament, un psoralène, deux heures avant la séance et éviter de s’exposer au soleil après. 
     
  • Les immunosuppresseurs : pour «calmer» les dysfonctionnements du système immunitaire, un médicament immunosuppresseur peut être administré dans des cas de pelade sévère, « mais l’intérêt par rapport aux risques est très discutable », souligne le Dr Assouly. Le méthotrexate est parfois utilisé à l’instar d’autres maladies auto-immunes comme le psoriasis. 
     
  • L’immunothérapie de contact : on peut aussi essayer de tromper le système immunitaire en provoquant une réaction allergique (en l’occurrence un eczéma) de façon à attirer les globules blancs sur d’autres cibles que les follicules pileux. Cependant, cette stratégie est « très rarement utilisée », selon le Dr Assouly. 
     
  • Les inhibiteurs de Janus Kinase ou anti-Jak : cette classe de médicaments est déjà prescrite dans certaines maladies auto-immunes. Le baricitinib, un anti-inflammatoire puissant, est le premier à être envisagé dans la pelade. Les Etats-Unis ont donné leur feu vert en juin 2022. Il est disponible en France dans certains centres hospitaliers, sans avoir à ce jour d’autorisation de mise sur le marché officielle dans cette indication. 

Le baricitinib se prend par voie orale, à 2 ou 4 milligrammes par jour. Ce nouveau médicament suscite beaucoup d’espoirs, mais aussi beaucoup de questions. « Il fait preuve d’une efficacité certaine, mais les patients doivent savoir que c’est un traitement suspensif, comme tous les traitements de la pelade. Ce n’est pas une baguette magique », souligne le Dr Assouly.

De fait, on manque encore de recul sur le risque de rechute à long terme.  « Que se passera-t-il à l’arrêt du traitement, le risque de récidive sera-t-il plus important ? », s’interroge le dermatologue. 

Quant aux effets secondaires du baricitinib identifiés dans d’autres indications que la pelade, ils ne sont pas négligeables. La molécule agissant sur le système immunitaire, le risque d’infections, infarctus, voire de cancer pourrait être augmenté. 

Perruque ou tatouage : des solutions à envisager

Certains artifices peuvent aider les patients à se réconcilier avec leur image.

Le tatouage est intéressant, plus particulièrement pour redessiner des sourcils. 

Une perruque permet de camoufler un crâne dégarni, pour un prix abordable. En cas de pelade, la Sécurité sociale rembourse une prothèse complète selon une classification établie (plus d’infos sur le site de la Sécurité sociale). À ce jour, aucune prise en charge n’est prévue pour les perruques dépassant 700 €.

En vidéo : Manon, son témoignage sur la pelade

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